Dans une étude fascinante, le généticien montre les effets des migrations et la nature métisse de l’Humanité grâce aux progrès du séquençage de l’ADN.
« Selon une étude d’ADN ancien, l’arrivée des peuplades du campaniforme a transformé la Grande Bretagne pour toujours » — voilà ce que titre le Guardian au mois de février, à propos de gens dont les ancêtres se trouvaient en Europe Centrale et plus à l’est dans les steppes. L’auteur de cette étude, le généticien de Harvard David Reich, nous livre enfin dans son ouvrage la première ébauche d’une histoire vraie des 5 000 dernières années.
La génétique a commencé à complémenter le travail effectué par les archéologues et les linguistes dans les années 1990, grâce à l’œuvre du mentor de Reich, le généticien italien Luca Cavalli-Sforza ; la génétique était alors le parent pauvre de ces disciplines car elle ne possédait que très peu de données. Mais cela a bien changé. Le génome est un palimpseste qui conserve de fortes traces du passé, de sorte que les populations actuelles peuvent révéler des choses ayant à voir avec les mouvements de celles qui les ont précédées. Ce qui a tout changé, c’est la possibilité, dès 2010, de séquencer l’ADN directement à partir des restes d’êtres humains anciens, parfois vieux de 40 000 ans.
Reich revisite les récentes avancées de la cartographie de l’histoire des premiers Humains, mais ses découvertes les plus spectaculaires concernent un passé plus récent. Les développements les plus importants de l’histoire humaine ont eu lieu au cours des 10 000 dernières années — après le retrait glaciaire — et pour l’Europe, les 5 000 dernières années sont essentielles. Bien que les études d’ADN ancien aient maintenant largement dépassé l’archéologie et la linguistique pour devenir la meilleure source de connaissance des populations humaines préhistoriques et de leurs migrations, elle s’articule avec ces deux disciplines au sein d’un processus où elles se renforcent les unes les autres.
Le travail de Reich peut enfin répondre à la question passionnante qu’avait d’abord posée un fonctionnaire britannique, Sir William Jones, qui a découvert en 1786 le lien de parenté entre le sanscrit et le grec ancien. Ce qui a conduit à la reconnaissance d’une vaste famille de langues indo-européennes qui comprend les langues germaniques, celtiques, italiques, certaines langues du Proche-Orient (l’iranien) et du nord de l’Inde (Hindi, Ourdou, Bengali, Punjabi, Marathi, etc.). Cependant, il n’existait pas à l’époque de consensus sur la façon dont tout cela avait pu se produire. Reich a démontré que les langues indo-européennes et la majeure partie de la composition génétique de l’Europe et du nord de l’Inde résultent de migrations datant d’il y a 5 000 ans, des migrations provenant des vastes steppes, ces plaines herbeuses qui bordent les mers Noire et Caspienne.
La plupart des personnes d’origine européenne entretiennent des liens génétiques et linguistiques étroits avec les peuples du Proche-Orient et ceux du nord de l’Inde. Ces gens étaient des pasteurs nomades qui conduisaient des véhicules à roues, montaient des chevaux domestiqués et commençaient à utiliser des produits laitiers — un ensemble de caractéristiques qui devait garantir leur domination partout où ils allaient. Leurs migrations ont été le moteur de l’âge de Bronze. Homère décrit une société où les chefs de guerre gagnaient en prestige et en richesses en perpétrant viols et pillages. Ce n’est pas très agréable à entendre, mais c’est très conforme à ce que nous savons aujourd’hui des porteurs de la culture de Yamna (les peuples du campaniforme représentaient la vague occidentale des migrations Yamna). A propos de leurs migrations à prédominance masculine, Reich commente : « les hommes des populations les plus puissantes ont tendance à se lier avec les femmes de populations moins puissantes ».
Il reconnaît, et c’est tout à son honneur, les abus commis à partir des histoires d’origines — notamment par l’idéologie nazie — et reconnaît que certains idéologues voudront exploiter — et contester — ses découvertes. Il est fascinant de savoir que la plupart des personnes d’ascendance européenne possèdent des liens étroits, génétiquement et linguistiquement, avec les peuples du Proche-Orient et du nord de l’Inde, mais qu’en est-il globalement et quelles sont les implications de ces nouvelles découvertes ?
La leçon essentielle à tirer de l’ADN ancien est que les populations d’un même endroit ont radicalement changé à plusieurs reprises depuis la grande expansion humaine post-glaciaire, et le fait de reconnaître la nature essentiellement hybride de l’Humanité devrait l’emporter sur toute notion de connexion mystique, de longue date, entre les peuples et l’endroit où ils se trouvent. Nous sommes tous, pour reprendre l’étiquette railleuse de Theresa May, « des citoyens de nulle part ». Les gens du campaniforme ont remplacé 90 % de la population de la Grande-Bretagne il y a environ 4 500 ans.Il faut ajouter à cela l’idée que toute vie, depuis ses débuts, a été un processus essentiellement improvisé et impur.Comme l’indique Reich : « les idéologies qui cherchent un retour à une pureté mystique volent en éclat face aux sciences dures ». Ses découvertes ont aussi d’importantes implications pour le domaine médical. Par exemple, ses recherches en Inde ont montré les conséquences profondes de la consanguinité des systèmes de castes. Il existe par exemple un très grand nombre de maladies récessives — dans certains couples les deux partenaires portent des gènes mutants inscrits depuis longtemps dans la lignée. Ces populations facilitent la chasse aux gènes parce que les gènes récessifs s’accompagnent de marqueurs caractéristiques.
L’image globale peinte par de Reich acquerra avec le temps beaucoup plus de détails — tout comme la grande étude de Darwin, qui n’était que le début de quelque chose, et non pas une fin. Nous devrions lui être reconnaissants, ainsi qu’à sa grande équipe de collaborateurs et à son épouse Eugenie Reich (écrivain scientifique qui a joué un grand rôle dans la création de son ouvrage) puisqu’ils nous transmettent aujourd’hui l’histoire essentielle. Leurs travaux sont captivants, tant par leur clarté que par leur portée.
Le génome de l’homme de Cheddar, qui a vécu il y a 10 000 ans, suggère qu’il avait les yeux bleus, la peau sombre et des cheveux noirs et bouclés.
Article originel par Hannah Devlin, correspondante scientifique du Guardian.
Les premiers Britanniques modernes, qui vécurent il y a environ 10 000 ans, avaient la peau « sombre, voire noire », selon une étude révolutionnaire d’ADN réalisée sur le plus vieux squelette entier de Grande-Bretagne que l’on ait retrouvé.
Le fossile, connu sous le nom de Cheddar Man, a été déterré il y a plus d’un siècle dans la grotte de Gough, dans le Somerset. On a beaucoup conjecturé quant aux origines et à l’apparence de l’Homme de Cheddar puisqu’il a vécu peu de temps après que les premiers colons aient traversé les terres pour passer de l’Europe continentale à la Grande Bretagne, à la fin de la dernière période glaciaire. Les personnes blanches d’origine britannique d’aujourd’hui descendent de ces populations.
On avait commencé par supposer que Cheddar Man avait la peau claire et les cheveux blonds, mais son ADN brosse un tout autre tableau, qui suggère fortement que ses yeux étaient bleus, son teint très sombre — voire noir — et ses cheveux noirs et bouclés.
La découverte montre que les gènes responsables d’une peau plus claire se sont répandus au sein des populations européennes bien plus tard que prévu — et que la couleur de la peau n’a pas toujours été un indicateur de l’origine géographique, contrairement à ce que l’on croit souvent aujourd’hui.
Tom Booth, un archéologue du Musée d’Histoire Naturelle qui a travaillé sur le projet, a déclaré la chose suivante : « Cela montre vraiment que ces catégories raciales imaginaires que nous avons sont vraiment des constructions très modernes, ou très récentes, que l’on ne peut absolument pas appliquer au passé ».
Yoan Diekmann, un biologiste computationnel de l’University College de Londres, qui fait également partie de l’équipe travaillant sur le projet est d’accord : le lien que l’on établit souvent entre le caractère britannique et la blancheur n’était « pas une vérité immuable. Cela a toujours évolué et évoluera toujours ».
Les découvertes ont été révélées avant un documentaire de Channel 4, qui a suivi le projet d’ADN ancien du Musée d’Histoire Naturelle de Londres et la création d’une nouvelle reconstruction médico-légale de la tête de Cheddar Man.
Pour effectuer l’analyse d’ADN, les scientifiques du musée ont percé un trou de deux millimètres de diamètre dans le vieux crâne pour en obtenir quelques milligrammes de poudre d’os. Et c’est de là qu’ils ont extrait le génome complet, qui contenait des indices sur l’apparence et le mode de vie de cet ancien parent.
Les résultats indiquent des origines du Moyen-Orient, suggérant que ces ancêtres auraient quitté l’Afrique, se seraient installés au Moyen-Orient puis dirigés vers l’Europe, avant de traverser le Doggerland, l’ancien pont terrestre qui reliait à l’époque la Grande-Bretagne à l’Europe continentale. Aujourd’hui, il est possible qu’environ 10 % de l’ascendance britannique blanche soit liée à cette population ancienne.
Cette analyse a par ailleurs exclu la possibilité d’un lien ancestral avec les individus qui vivaient dans la grotte de Gough il y a 5 000 ans, individus qui sembleraient avoir accompli des rituels cannibales terribles, comme ronger des orteils et des doigts humains — sans doute après les avoir fait bouillir — ou encore boire dans des tasses crâniennes polies.
La Grande Bretagne a été colonisée périodiquement, puis défrichée au cours des périodes glaciaires jusqu’à la dernière de ces périodes, il y a environ 11 700 ans. Depuis lors, elle a toujours été habitée.
Cependant, jusqu’à présent, on ne sait toujours pas si chaque vague de migrants venait de la même population en Europe continentale ; les derniers résultats suggèrent que cela n’était pas le cas.
L’équipe s’est penchée sur des gènes connus pour être liés à la couleur de la peau, des yeux, et à la couleur et à la texture des cheveux. En ce qui concerne le teint, il existe une poignée de variantes génétiques liées à une pigmentation moindre, dont certaines très répandues dans les populations européennes actuelles. Mais Cheddar Man était doté de versions « ancestrales » de tous ces gènes, ce qui suggère fortement qu’il pourrait avoir eu le teint « sombre, voire noir », mais avec des yeux bleus.
Les scientifiques pensent que la peau des populations ayant vécu en Europe s’est éclaircie avec le temps parce que les peaux claires absorbent plus la lumière du soleil, ce qui est nécessaire pour produire suffisamment de vitamine D. Les dernières trouvailles suggèrent que la peau claire serait apparue plus tard, probablement lorsque l’avènement de l’agriculture a signifié que les gens obtenaient moins de vitamine D malgré le fait que leur régime alimentaire contienne des poissons gras.
Le mode de vie de l’homme de Cheddar était sûrement celui d’un chasseur-cueilleur, qui élaborait des lames tranchantes à partir de silex pour dépecer des animaux, et qui utilisait des ramures de cervidés pour sculpter des harpons destinés à la pêche, ainsi que des arcs et des flèches.
L’article original écrit par Anna Clausen, 2017 école de journalisme de U.C. Berkeley et student fellow au Pulitzer Center, est publié dans le site du pulitzercenter ici. Cette recherche a été soutenue par le Pulitzer Center.
Une sculpture d’ADN au siège de deCODE Genetics à Reykjavik. L’entreprise génétique affirme qu’elle possède toutes les informations nécessaires pour identifier avec précision presque toutes les personnes porteuses d’une mutation BRCA en Islande.
REYKJAVIK—C’était son premier jour de vacances d’été, en 2015. Erna Ingibergsdóttir se prélassait chez elle, regardant ses deux plus jeunes enfants jouer. Et puis le téléphone a sonné. C’était au sujet de la protubérance dans son sein.
«J’étais tellement sûre que ce n’était rien», dit-elle. «Puis la dame qui m’a appelé a voulu que je passe chercher mes résultats».
Ingibergsdóttir a refusé. La dame devrait donc le lui dire par téléphone. Deux semaines plus tard, elle a subi une double mastectomie.
Avec son regard d’éternelle optimiste Ingibergsdóttir est presque trop positive. Lorsqu’elle a annoncé la mauvaise nouvelle à une amie, elle s’est empressée d’ajouter de bonnes nouvelles —elle allait pouvoir avoir « des seins canons ! ». Elle admet malgré tout que le traitement a été très lourd pour elle. Elle regarde par la fenêtre d’un café du centre-ville de Reykjavik, deux ans après le diagnostic, et son sourire omniprésent depuis maintenant 47 ans semble s’évanouir dans ses yeux.
«J’ai vraiment été très, très malade», dit-elle, le côté droit de ses lèvres tressaille. «La chimio c’était dur ; je ne recommande pas».
Dans la plupart des cas, de telles maladies ne peuvent être évitées. Mais il y avait de fortes chances d’éviter le cancer d’Ingibergsdóttir, sans le paradigme installé de longue date de l’éthique médicale : le droit de ne pas savoir.
Ingibergsdóttir est l’une des 2 400 islandais porteurs d’une mutation du gène BRCA2. Ce qui représente 0,8 % de la petite nation insulaire. La mutation, comme la mutation du gène BRCA1 est devenue célèbre grâce à un op-ed d’Angelina Jolie dans le New York Times. Elle a été associée à un risque fortement accru de cancer du sein et des ovaires pour les femmes, et de cancer de la prostate pour les hommes.
Les femmes porteuses d’une mutation BRCA2 ont en moyenne un risque de cancer du sein de 69 %. Pour certaines, selon les antécédents familiaux, le risque peut dépasser les 80 %. La bonne nouvelle est que le risque peut être réduit d’environ 90 % grâce à des chirurgies préventives, comme la mastectomie radicale qu’a subie Angelina Jolie. Ingibergsdóttir n’a jamais eu le choix.
Le gouvernement islandais propose un service de conseil en génétique relativement accessible. Mais à l’exception d’un seul parent connu, la famille d’Ingibergsdóttir n’a pas d’antécédents de cancer du sein, alors elle n’est jamais allée faire d’analyses. Comment aurait-elle pu savoir?
Aux Etats-Unis, une femme sur 500 est porteuse de mutations BRCA1 ou BRCA2. Collecter les données pour les retrouver toutes serait une tâche colossale. Mais en Islande, le travail a déjà techniquement été effectué. L’entreprise biopharmaceutique deCODE Genetics affirme avoir recueilli suffisamment de séquences d’ADN complètes pour connaître avec précision la composition de l’ADN de pratiquement tous les Islandais, une nation qui compte à peu près 340 000 individus. Au fil du temps, les Islandais ont préservé des registres généalogiques obsessionnels et la plupart d’entre eux peuvent retracer leur lignée pour remonter jusqu’à des ancêtres communs. Ces registres, associés aux séquences d’ADN des données cryptées de deCode signifient que l’entreprise détient des informations sur tous les porteurs de mutations BRCA possibles, même ceux qui n’ont jamais subi de tests génétiques ni participé aux études de la société.
Depuis 2013, Kári Stefánsson, le PDG de deCode, se bat pour contourner le droit de ne pas savoir, inscrit dans la loi. Il voudrait « appuyer sur un bouton » et découvrir l’identité de chaque porteur de BRCA du pays. Il pense que lorsqu’il s’agit de sauver des vies, la loi devrait être contournée ; toutes les personnes porteuses d’une mutation devraient être informées.
«Si quelqu’un disparaît sur les Hautes Terres nous envoyons des équipes de quelques centaines de chercheurs pour les trouver », dit-il. « On le fait sans leur demander la permission. On enfreint tout autant leur droit d’être laissés tout seuls que lorsque l’on tente de sauver les vies des gens qui portent ces mutations».
Stefánsson affirme qu’il n’est pas contre le droit de ne pas savoir. Il pense simplement que le droit de vivre est plus important.
«Je dirais que c’est un peu fou, un peu vicieux », dit-il. « On ne laisse pas les gens mourir si jeunes si on peut les aider, point final!»
Beaucoup de gens le voient de cette façon — mais, et c’est étonnant, Ingibergsdóttir n’en fait pas nécessairement partie. La plupart des membres de sa famille élargie a subi des tests génétiques pour le BRCA2, mais quelques personnes ne veulent toujours pas savoir, voire peut-être jamais. Parmi ces personnes, sa fille de 23 ans, dont la grand-mère paternelle est également porteuse d’une mutation.
Ingibergsdóttir ne veut pas faire pression sur sa fille. Après tout, elle est encore jeune et ces informations influenceront toutes ses décisions majeures à partir du moment où elle saura.
«Si j’avais su, je ne suis pas sûre que j’aurais eu mes deux derniers enfants », dit-elle. « Je ne veux pas répandre ça. Je me sens coupable en tant que mère».
Vigdís Stefánsdóttir, conseiller en génétique à l’Hôpital universitaire nationale d’Islande, a vu des personnes appartenant à des familles que l’on savait porteuses du BRCA2 venir pour un diagnostic jusqu’à 20 ans après la découverte de la mutation. Dans son tiroir, elle a beaucoup de dossiers contenant des informations sur les gens qui sont venues mais n’ont jamais terminé le processus. Parfois, elle rappelle et rappelle les gens, lorsqu’elle est en possession de leurs résultats de tests sanguins, sans jamais arriver à les contacter.
«Alors je laisse filer et je range le dossier dans le tiroir», dit-elle. «Parce que je sais que le la personne qui a consulté n’est pas prête à connaître les résultats».
Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles quelqu’un fait marche arrière, dit Stefánsdóttir. Savoir ce que prédisent nos gènes peut sauver des vies, mais cela peut également mener à une existence pleine de préoccupations et de problèmes de santé mentale quand les personnes porteuses sont dans l’attente. Elle prétend que seul le patient peut décider si le moment est venu.
«La règle est la suivante : moins on peut en faire pour la maladie, moins les gens veulent savoir s’ils sont en danger. C’est le cas avec Alzheimer : chaque fois que l’on oublie quelque chose, que l’on oublie ses clés quelque part – attendez, les symptômes ont-ils commencé? C’est un peu la même chose avec les gènes BRCA. Si je ressens une douleur dans la poitrine, est-ce que c’est le premier signe d’un cancer du sein?»
Elle dit que l’information transforme les gens —une fois que l’on sait, il n’y a pas de retour en arrière.
«Je n’aime pas parler du droit de ne pas savoir. Le droit de savoir c’est quand c’est bien pour vous».
Cela sonne particulièrement vrai pour Íris Katrín Barkardóttir, qui a 31 ans et a attendu presque dix ans pour faire un diagnostic. Sa mère, décédée d’un cancer au mois de mars 2011, avait raconté qu’elle était porteuse de la mutation quand Barkardóttir avait 20 ans. Elles avaient toutes les deux décidé qu’elles ne voulaient pas savoir.
«Etre vivant c’est mortel, et si on pense toujours aux « et si », on se retrouve coincé dans un cycle d’angoisses», dit-elle. «Je souffre d’anxiété alors j’essaie de faire taire ces pensées, mais elles réapparaissent évidemment».
Assise dans sa cuisine lumineuse dans le quartier de Laugardalur à Reykjavik, Barkardóttir caresse avec amour un petit chiot blanc installé sur ses genoux, se réconfortant autant qu’elle réconforte le chien pendant qu’elle raconte son histoire.
Elle a vu sa mère passer par une chimiothérapie atroce et par de multiples traitements de radiothérapie, et perdre à un moment donné la peau de ses mains et de ses pieds. L’expérience l’a marquée mentalement et l’idée d’avoir à traverser tout ça était trop dure à vivre. Le droit de ne pas savoir l’a emporté sur celui de savoir.
Cependant, Barkardóttir en est venue à changer d’avis. Elle a fini par faire un test à 29 ans, et il lui a fallu un certain temps pour programmer son premier examen des seins. Lorsque l’image de l’IRM a montré une tâche sur son sein, elle a fondu en larmes.
«J’ai pleuré pendant 24 heures d’affilée », dit-elle. «Je me sentais comme une bombe à retardement».
Elle était convaincue qu’elle allait mourir et rongée par les remords. Pourquoi n’y était-elle pas allée plus tôt ? Elle devait passer d’autres examens la semaine suivante mais a supplié l’équipe médicale du service de dépistage de reporter son rendez-vous au lendemain.
En fin de compte, la tâche s’est avérée être une fausse alerte.
Barkardóttir a l’intention de se faire faire une mastectomie préventive et envisage également une ovariectomie (ablation chirurgicale des ovaires), plus tard dans sa vie. Pendant cette période où elle pensait qu’il était trop tard, elle aurait aimé que quelqu’un lui impose des informations, mais aujourd’hui elle est contente de pouvoir contrôler le timing.
«J’ai traversé des moments difficiles après le décès de maman et je ne pouvais pas alors avoir ce nuage infernal planant au-dessus de ma tête. C’est quelque chose qui demande une certaine maturité mentale. Il était pour moi crucial de ne pas savoir plus tôt».
Bien sûr, pour Barkardóttir, c’est facile à dire, maintenant. En ne sachant pas, elle s’est évité dix ans d’examens du sein crispants et d’être transie de peur. Mais qu’est-ce que vivre avec la peur ou subir des opérations potentiellement inutiles, par rapport à ne pas vivre du tout? Qu’en est-il de ceux qui ne savent pas jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard? Un comité gouvernemental travaille à un terrain d’entente.
«Le groupe est d’accord sur le fait que les droits de ceux qui ne veulent pas savoir — une posture qu’il est très important de respecter — ne doivent pas faire obstacle à ceux qui veulent savoir et qui en ont besoin », dit le président du comité, Sigurður Guðmundsson, Directeur Médical; il ajoute qu’il est de la plus haute importance que ce problème soit résolu.
«Nous avons longuement discuté du consentement présumé, mais on nous a fait remarquer que tous les chemins visibles allaient vraiment à l’encontre des lois sur la protection de la vie privée — et de la constitution.»
Le comité a donc cherché d’autres moyens de combler le vide. En fait, aux dires de Guðmundsson, une solution impliquant un portail national de la santé semblerait être en vue.
Les informations génétiques provenant d’études scientifiques, comme les informations sur les personnes porteuses de mutations BRCA, pourraient être non-cryptées et téléchargées sur le site du portail, où les utilisateurs pourraient avoir accès à leur dossiers médicaux. De nos jours, l’une des principales préoccupations concerne les personnes qui ne savent pas qu’elles devraient se faire examiner, mais le portail mettrait cette suggestion au tout premier plan. Au lieu d’avoir à chercher des réponses dans un établissement médical, les utilisateurs pourraient accéder en un clic à l’état de leurs gènes BRCA ainsi qu’à des instructions sur la façon de procéder.
L’idée n’est pas parfaite. Tout d’abord, il est préférable de recevoir une mauvaise nouvelle en personne de la part d’un professionnel de la santé plutôt que de la lire sur le net, peu importe le matériel d’aide fourni. Cette démarche résout en revanche la question de l’intrusion et donne du pouvoir à l’individu.
Il faut aussi que les chercheurs puissent fournir ce genre d’information aux personnes qui le souhaitent, dit Guðmundsson. Indépendamment de la façon dont est reçue l’information, il dit que chacune de ces personnes devrait toujours être orientée vers un conseiller pour un diagnostic plus approfondi. « Il existe d’autres approches, mais probablement aucune qui ne soit meilleure que celle-ci ».
Stefánsdóttir est d’accord. Si la société décidait qu’elle veut en fait que les chercheurs informent les gens des risques pour la santé chaque fois qu’ils en rencontrent, il faudrait mettre en place tout un système, non seulement pour le droit de ne pas savoir, mais aussi pour des questions de logistique.
«Un système qui permet à chacun de décider où, quand, et dans quelles circonstances nous accédons à l’information», dit-elle. Elle ajoute que la découverte constante est inhérente à la recherche.
«On ne peut pas espérer des chercheurs qu’ils contactent chaque participant chaque fois que cela se produit».
L’article original écrit par Anna Clausen, 2017 école de journalisme de U.C. Berkeley et student fellow au Pulitzer Center, est publié dans le site du pulitzercenter ici. Cette recherche a été soutenue par le Pulitzer Center.
Retrouvez l’article publié le 24 Févier dans l’Echo en suivant le lien.
“En 2007, Steve Jobs avait déboursé pas moins de 700.000 dollars pour faire analyser la séquence ADN de son cancer du pancréas. Aujourd’hui, si l’on veut en savoir plus sur notre prédisposition à certaines maladies ou l’origine de nos ancêtres, cela ne coûte que quelques centaines d’euros.”
Un petit peu de salive et beaucoup de patience
Concrètement, comment ça marche? Soit vous disposez déjà des données de votre ADN via une autre société comme 23andMe, Ancestry ou Gencove.Vous les téléchargez sur la plateforme de GenePlaza et vous avez accès à une série d’applications génétiques dont les prix varient entre 0,99 euro et 14,99 euros. Soit vous commandez un kit de prélèvement de salive (145 euros), vous le recevez dans les 3 à 10 jours par la poste et vous faites le test chez vous. Attention à bien lire le mode d’emploi: il est, par exemple, proscrit de boire, manger, chiquer ou fumer trente minutes avant le prélèvement.
Quelles applications?
Parmi ces applications génétiques, on en trouve sur les origines ethniques, la métabolisation du café, la perception des odeurs ou encore la prédisposition au neuroticisme.
Récemment, Gene Plaza a mis à la disposition de ses utilisateurs une nouvelle application, baptisée 500k, basée sur les résultats d’une étude de UK Biobank. Elle permet de dégager strong> certaines prédispositions sur la base de questions sur l’historique médical/santé de 500.000 personnes. “Ces 500.000 personnes ont répondu à une série de questions médicales, sociales, familiales. On y répond soit via un touchscreen, soit via une interview avec un expert. S’il y a des variants enrichis sur une question particulière, cela permet de faire avancer la compréhension. On essaie de comprendre, par exemple, pourquoi les personnes qui ont ces variants ont une voiture rouge”, explique Alain Coletta.
Retrouvez tout l’article ici:
Voici un extrait de l’article publié sur le portail “Régional IT, Wallonie- Bruxelles”
“Gene apps store”
“Comme son patronyme l’indique, GenePlaza propose une sorte de place de marché, une “apps store” d’applis génétiques, dans laquelle tout internaute peut aller piocher afin de se faire une petite analyse perso et thématique de son ADN. Les applis seront créées (avec vérification) par des scientifiques et des développeurs lambda. “
Un petit test ADN “pas cher” pour savoir qui vous êtes?
Quels sont vos risques de devenir obèse? De quelles régions du monde viennent vos ancêtres? Les aliments amers sont-ils faits pour vous?
Toutes ces questions, une startup (ou jeune pousse) belge vous propose d’y répondre. Gene Plaza fait analyser votre ADN et le tour est joué. Et, bonne nouvelle, le test se démocratise.
Le test ADN de plus en plus démocratique
Il y a quelques années encore, un test ADN était tout simplement impossible. Ensuite, il a été réservé aux plus fortunés. Mais bientôt, tout le monde pourra faire analyser son code génétique pour mieux se connaître. C’est en tout cas le pari d’Alain Coletta, biologiste et co-initiateur du projet. “Le premier séquençage d’ADN qui a été réalisé en 2000 et a coûté trois milliards de dollars. En 2007, Steve Jobs s’est fait séquencé et cela a coûté 700 000 dollars.”
Votre Génome pour 150 euros
Aujoud’hui Gene Plaza propose cette analyse pour 150 euros. Thierry Pierson qui croit dans ce projet en est devenu l’un des investisseurs. Mais il en est aussi un utilisateur. Son envie est de mieux se comprendre lui-même: “Je sentais une grande sensibilité à certains aliments. Comme le chocolat noir, par exemple Et dans mes tests, il s’est révélé que j’étais effectivement particulièrement sensible à l’amertume. ”
Le principe est simple. Il suffit d’envoyer un échantillon de salive pour le faire analyser. On accède ensuite à un site pour y poser ses questions: le café est-il efficace pour moi ? Suis un lève-tôt ou un couche-tard ? Quels sont mes risques de devenir obèse ? …
Et l’investisseur se mue en démonstrateur: “Il faut cliquer dans l’application sur ‘poids’ et je vois que je suis le moins disposé à prendre du poids. Ce que mon expérience confirme, puisque jusqu’à l’âge de 40 ans, je pouvais manger et boire ce que je voulais, je ne prenais pas un gramme. ”
Mais attention, ce test ne prend qu’un seul paramètre en compte: l’ADN. Et pas le comportement ou l’expérience de vie de l’individu. On parle ici de prédispositions génétiques. Alors que le mode de vie et l’éducation sont au moins tout aussi importants.
Se pose la question essentielle: doit-on absolument tout savoir sur nous-même?
Et si votre ADN pouvait changer votre vie ? Une spin-off belge lance la plateforme en ligne Gene Plaza. L’ambition : permettre à chacun de décrypter une partie de ses données génétiques.
Quelles sont les origines de vos ancêtres ? A quel moment devriez-vous aller dormir ou prendre un café ? Quel est votre perception du goût ? Etiez-vous prédisposé à faire des études ? Les réponses à ces questions figurent, en partie, dans votre ADN, dans cette part d’inné propre à chaque individu, bien avant les expériences qui l’ont façonné au cours de sa vie. L’interprétation des données génétiques s’est longtemps arrêtée aux portes des laboratoires. Mais la baisse du coût des technologies ouvre progressivement l’accès de cette mine d’informations à un public bien plus large. C’est dans cette optique que Gene Plaza, une plateforme génétique en ligne accessible à tous. Une première à l’échelle européenne.
A moins de disposer déjà de ses propres données génétiques, comme c’est le cas pour quatre millions de personnes à travers le monde, chaque visiteur peut y commander un kit pour prélever son propre ADN. Les quelques millilitres de salive récoltés dans un flacon sont ensuite envoyés dans un laboratoire, où l’échantillon est analysé selon la technique du génotypage. Moins onéreuse que le séquençage, celle-ci consiste à décrypter le génome à 700 000 endroits précis. Pour le moment, le processus coûte environ 300 euros. Mais les deux développeurs de Gene Plaza, Alain Coletta et Robin Duqué, espèrent ramener le prix en dessous d’une centaine d’euros, grâce à de nouvelles technologies. Un mois plus tard, l’utilisateur peut accéder à ses données génétiques, avec la garantie explicite que celles-ci resteront anonymes et personnelles. Elles pourront lui servir tout au long de sa vie.
We use cookies to ensure that we give you the best experience on our website. If you continue to use this site we will assume that you are happy with it.Ok